Les médias et la stigmatisation

Les médias et la stigmatisation

Imaginez un bâtiment détruit par un incendie. Il s’agit d’un hôpital psychiatrique et les pompiers doivent évacuer les patients de leur foyer temporaire. Nous sommes à Trenton, en 2002. Le lendemain, cette tragédie faisait les manchettes : « Les dingues sont la proie des flammes ».

La stigmatisation dans les médias

Bien que des organismes de surveillance comme la National Alliance for the Mentally Ill (NAMI) n’aient pas tardé à condamner cette manchette et que la rédaction du journal se soit répandue en excuses après la publication, le mal était fait. Encore une manchette qui s’est ajoutée à la liste déjà longue de remarques de mauvais goût qui sont passées à l’histoire, et cela à une époque où le Directeur du Service de santé publique des États-Unis incitait les personnes atteintes d’une maladie mentale à obtenir des soins, malgré la stigmatisation.

Voici un extrait d’un article reproduit sur le site de l’Association canadienne pour la santé mentale :

« Un rapport publié en 1999 par le Directeur du Service de santé publique des États-Unis a conclu que les préjugés rattachés à la maladie mentale constituent le principal obstacle à l’amélioration des soins de santé mentale, et que “la stigmatisation est une atteinte tragique à la dignité d’une personne qui l’empêche de participer pleinement à la vie sociale”. La stigmatisation des personnes souffrant d’une maladie mentale est souvent attribuable à un manque de connaissances (ignorance), combiné à certaines idées (préjugés) et à certains comportements (discrimination). En deux mots, la stigmatisation se fonde sur des préjugés ou des stéréotypes. Il en résulte un comportement discriminatoire qui renforce ces idées. »

Il s’est avéré que divers types de médias exercent une influence profonde sur les idées et attitudes des gens en matière de maladie mentale.

Les médias et la stigmatisation

Qu’il s’agisse d’un incendie, d’un accident de la route ou d’un meurtre, les médias n’ont jamais cessé de nous en informer à grand renfort de sensationnalisme afin de s’assurer que la nouvelle attire notre attention. Il y a ce dicton qu’ils citent souvent : si le sang coule, le sujet sera porteur. Cela veut dire que plus les images seront spectaculaires, plus grandes seront les chances de faire la une.

Une étude canadienne récente indique que, dans la presse imprimée, les actes criminels et les comportements dangereux pour la sécurité publique comptaient respectivement pour 47,3 % et 61,3 % des images dans les journaux. Seuls 27 % des photos publiées dans la presse étaient de nature positive.

D’un point de vue statistique, les personnes souffrant d’une maladie mentale grave sont plus à risque d’être victimes d’un crime ou de violence. La recherche montre également que, contrairement à la croyance populaire, elles ne sont pas plus violentes que d’autres personnes. Malgré cette réalité, des manchettes comme celles-ci continuent de faire la une :

  • Terreur! Des malades mentaux mettent en péril les Jeux olympiques (Toronto Sun, 5 novembre 2008)
  • Fou au couteau remis en liberté : un patient psychiatrique en crise sème la panique dans un parc (Daily Mail en Angleterre, 26 février 2005)
  • Un homme violent et désaxé remis en liberté par ses médecins. Ce nouveau scandale ébranle le secteur des soins communautaires (The Sun en Angleterre, 26 février 2005)

Des reportages sensationnalistes sur un crime touchant une personne atteinte d’une maladie mentale peuvent causer du tort à tout un groupe de personnes qui ne méritent pas d’être traitées de cette façon.

Les médias de divertissement et la stigmatisation

Plusieurs d’entre nous se souviennent de la séance d’électrochocs dans le film Vol au-dessus d'un nid de coucou. Bien que 50 ans se soient écoulés depuis la publication du roman et près de 40 ans depuis la sortie du film, ces images ont influencé de manière décisive l’idée que se font les gens de ce traitement connu aujourd’hui comme la thérapie électroconvulsive (TEC), qui a pourtant sauvé la vie de beaucoup de personnes. En réalité, les données cliniques démontrent que cette thérapie est souvent efficace auprès de patients très dépressifs chez qui tout autre traitement a échoué. Cependant, en raison des images diffusées par les médias de divertissement, elle continue d’être qualifiée de « cruelle » et « inhumaine ».

Au cinéma et à la télévision, les personnes atteintes de maladie mentale sont habituellement présentées comme étant des toxicomanes, des sans-abri, des méchants ou des psychotiques. Pourtant, ces qualifications ne s’appliquent qu’à une infime partie des gens souffrant de maladie mentale.

L’incidence des images et messages médiatisés sur la stigmatisation

Depuis les années 40, les chercheurs se sont penchés sur la stigmatisation que subissent les personnes atteintes de maladie mentale. Bien que le degré de connaissances des gens se soit progressivement amélioré au fil des décennies, il semble que les préjugés à l’égard de la maladie mentale ont augmenté, notamment en ce qui concerne la perception à l’égard des comportements violents. La stigmatisation, qui est en grande partie attribuée aux médias, se répercute sur de nombreux aspects de la vie d’une personne :

  • Obtention de soins – plus une personne est prisonnière des préjugés, moins elle sera portée à demander de l’aide.
  • Travail – la stigmatisation nuit autant à la recherche d’un emploi qu’à la situation d’emploi de la personne aux prises avec des problèmes de santé mentale.
  • Estime de soi – les personnes qui ont intégré les idées négatives en matière de maladie mentale ont une plus faible estime de soi et obtiennent souvent de moins bons résultats à la suite d’un traitement.
  • Relation familiale – des membres de la famille ont déclaré que la stigmatisation entraîne un sentiment de culpabilité par association.

Comment les médias pourraient-ils contribuer à la lutte contre la stigmatisation?

Si les médias peuvent entretenir les préjugés, ils peuvent aussi aider à renverser la tendance en corrigeant les idées fausses et injustes à l’égard de la maladie mentale. Pour ce faire, ils doivent offrir des renseignements exacts et plus positifs et diffuser plus souvent des reportages au sujet des gens qui réussissent à gérer leur maladie et mener une vie normale, ou qui se sont rétablis. Et, bien sûr, ils doivent se défaire de leur habitude d’utiliser des manchettes sensationnalistes qui renforcent les préjugés à l’égard des personnes atteintes d’une maladie mentale.

Les médias de divertissement doivent s’efforcer de présenter des personnages plus complets et véridiques lorsqu’ils abordent le thème de la maladie mentale, plutôt que de recourir aux stéréotypes. S’ils assument leur responsabilité dans la lutte contre la stigmatisation, les médias ont une excellente occasion de transformer de façon positive la vie de millions de Nord-Américains.

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